Nous le constatons amèrement depuis des semaines, une flambée exponentielle des prix énergétiques (gaz et électricité) fait très mal aux portefeuilles de la population, Cette explosion tarifaire procure des dégâts chez les ménages les plus modestes et ceux des classes laborieuses. Mais aussi des petites entreprises qui risquent de ne pas pouvoir supporter ce nouveau choc, avec les risques de chômage pour conséquences. Dans ce contexte, il faut savoir que la Belgique importe plus de 95% de son énergie primaire, ce qui nous rend extrêmement dépendants sur le plan énergétique. Par ordre d’importance, notre pays importe le pétrole, le gaz naturel, les combustibles solides (charbon entre autres) et l’uranium qui est le combustible nucléaire.
Le gaz naturel que l’on consomme en Belgique provient principalement des Pays-Bas, de la Norvège, du Royaume-Uni, du Qatar, et de l’Allemagne. Il est livré par divers gazoducs souterrains et sous-marins et aussi par bateaux, sous forme liquide, via le terminal de Zeebrugge. Cependant, les Pays-Bas ont déjà annoncé l’épuisement proche de leurs réserves avec, pour conséquence, la fin des exportations d’ici à 2030. En sachant qu’à partir de 2024, le pays ralentira considérablement le rythme d’approvisionnement extérieur, le manque de combustible qui sévira chez nous est donc irrévocable. Avec cette perspective, un nouvel importateur devra être rapidement déterminé.
Dès lors, dans cette équation, la Russie joue un rôle central. Qu’il s’agisse de houille, de pétrole brut ou de gaz, Moscou est le premier fournisseur de l’UE. L’Europe, dont les réserves diminuent d’année en année, ne s’approvisionne pas qu’en Russie (ce pays étant pourtant le géant gazier avec les plus grosses réserves prouvées, une production qui la classe au deuxième rang mondial derrière les Etats-Unis et possède la place de premier exportateur mondial). Néanmoins, ce pays assure malgré tout de la moitié de la consommation du Continent et reste son premier fournisseur.
Concernant plus précisément le gaz naturel, la part de la Russie dans les importations de l’UE atteint plus de 41%, loin devant la Norvège, deuxième fournisseur (18,1 %), et l’Algérie, en troisième position d’importation (11,8 %). Il est donc indéniablement nécessaire de mener une diplomatie européenne sereine et stratégique avec le partenaire russe et d’éviter de suivre docilement l’OTAN ainsi que les délires impérialistes de Joe Biden et du Pentagone – dans l’emballement des tensions à la frontière ukrainienne. Il ne s’agit pas d’être complaisant avec Vladimir Poutine et son gouvernement russo-nationaliste mais de reconnaître que l’Europe ne peut se permettre une fermeture de robinet par représailles géopolitiques, et ce, même de manière temporaire.
Aussi, ne soyons pas présomptueux en nous croyant hors de portée de ces tensions. Car, même si nous n’importons pas encore directement du gaz russe en Belgique, la flambée encore plus considérable des prix, en conséquence d’un ralentissement majeur de l’approvisionnement vers l’Europe – suite à ces tensions géostratégiques nous toucherait inévitablement.
Du reste le prolongement des centrales nucléaires ne peut être contourné. Il s’agit-là d’une perspective nécessaire sur le plan des besoins criant en électricité de la population et de nos entreprises vu les possibilités encore trop faibles en termes d’énergies vertes via l’éolien terrestre et offshore ainsi que la géothermie qui n’arrivent pas actuellement à plus de 10% du potentiel d’approvisionnement.
Si le terme de nationalisation peut faire frémir les néolibéraux de tout poil et des socio-démocrates acquis aux théories néolibérales, la perte du contrôle de nos productions d’énergie depuis des décennies va nous obliger à remettre en avant l’idée d’une mise sous statut public régionalisé du secteur énergétique d’une part et, d’autre part à choisir consciemment nos partenaires même si nous critiquons sans réserve leurs manquements démocratiques, afin de permettre l’alimentation nécessaire de nos besoins essentiels en ressources énergétiques.
C’est bien évidemment un constat d’échec criant d’être devenu dépendant à ce point de pays tiers mais force est de constater dans ce dossier, comme dans d’autres d’ailleurs, que l’allégeance aveugle de nos gouvernements successifs à l’égard de l’OTAN et aux dogmes libéraux de désinvestissement dans le contrôle étatique de nos ressources, nous conduit aujourd’hui, à l’impasse sur fond d’inflation.