La réduction collective et le partage du temps de travail, sans perte de salaire avec embauche compensatoire est une revendication connue de la gauche. Avec un chômage de longue durée et une pression sur le monde du travail en termes de flexibilité et de disponibilité, réduire la semaine de travail à quatre jours aurait pu être une réelle avancée sociale pour les travailleurs si elle s’était accompagnée d’une réelle réduction du temps de travail. Or ici, avec l’accord de gouvernement intervenu ce mardi 15 février 2022 à l’aube, le législateur ouvre la possibilité d’optimiser cette semaine de quatre jours en compressant les heures effectives sur quatre journées mais SANS RÉDUIRE le temps de travail. Nous sommes donc bien loin de la proposition progressiste originelle de la RTT, qui s’inscrit dans la lignée de la conquête de la journée des huit heures. Car, par cette compression sans diminution effective des heures prestées hebdomadairement, ces quatre journées vont surtout s’apparenter à quatre jours de calvaire, de pénibilité, de fatigue, de risques d’accident et d’organisation parfois impossible en termes de garde d’enfants, d’activités extrascolaires ou tout simplement de détente pour les travailleurs. Cette défaite face aux revendications du patronat vient malheureusement d’enterrer définitivement une possibilité concrète d’amélioration des conditions de travail dans une perspective de bien-être et de temps disponible.
Il y a lieu de noter que le télétravail, forme d’organisation sociale nouvelle dont la crise sanitaire avait démontré l’attachement des travailleurs, n’est pas le moins du monde évoqué dans l’accord. Faut-il s’en étonner dans la mesure où le patronat y était opposé ?
Ce renoncement du gouvernement à une vie meilleure et harmonieuse entre travail – famille – repos et loisirs ; démontre, une fois encore, la force du logiciel pro-patronal et de la doxa libérale dé-régulatrice qui influe sur les décisions politiques de ce gouvernement De Croo…
Ce texte est bien davantage qu’une proposition sociale formulée dans le cadre de la programmation sociale légale. Il s’agit d’un moment d’une action de longue haleine que mènent les forces réactionnaires depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Abasourdies alors par les conquêtes sociales issues du Conseil national de la Résistance[1], elles se sont bien juré de revenir tôt ou tard sur celles-ci. [2]
Ce que réalise, en Belgique, le Gouvernement d’Alexandre DECROO – hélas avec la complicité d’ECOLO et du PS[3] – tant par les mesures avancées que par les reculs de la concertation sociale qui y sont prévues. L’effacement de la journée des huit heures comme référence sociale impérieuse en témoigne encore davantage.[4]
C’est le même acharnement de masse qui explique le désinvestissement dans les services publics. Les plus récentes crises (pandémie, inondations, gilets jaunes) en ont pourtant démontré l’importance pour les plus faibles et combien est juste cette expression que ces services sont le salaire indirect qui met à la portée de tous les biens fondamentaux[5].
[1] Lire à ce propos : Henri MALBERG- Incorrigiblement communiste- Editions de l’atelier
[2] Ce qu’a affirmé sans vergogne le Président de la Ligue patronale de France (le MEDEF) : « revenir méthodiquement sur les acquis du CNR »
[3] Ce qui confirme aussi le choix de la sociale-démocrate européenne, constant depuis plusieurs dizaines d’années également, de délaisser les classes laborieuses au profit des classes moyennes, titulaires de diplômes supérieurs et appartenant aux tranches fiscales supérieures.
[4] La déclaration de Di Rupo dans le Soir du 19 février « La semaine de quatre jours, c’est une conquête » est, à ce propos, tout à fait édifiante.
[5] « Pour une République sociale, écologique et Laïque. ». : Appel collectif publié dans : L’Humanité 18/2/2022, p23